mercredi 29 avril 2020

LA RENCONTRE VOUS RÉALISANT AFFECT-CORPS


  Au Point-Rencontre, il y a l'imprévu aventureux et risqué, d'un face-contre-face, qui se déroule à l'instant même de cette rencontre, et donne lieu à une multiplicité d'affects qui désemparent, ébranlent, et enrichissent à la fois. Ce face-contre-face est une visagification/dévisagification (19), avec sa triple fonction : Individuation, socialisation et communication (20). C'est l'affect de Soi et de l'Autre; de soi par l'autre, de soi dans l'autre, de soi à travers l'autre, et de soi en l'autre qui vous renvoie vos limites. 

C'est l'affect comme passage, comme échange, comme événement de la Rencontre, dans lequel et durant lequel, L'Autre vous réalise corps(21) en tant que réalisant (22), c'est-à-dire en tant qu'Écho de ce face-contre-face, de ce vas-et-vient entre ce que L'Autre vous renvoie comme limite dans le silence de ce jeu d'échange, à la fois de vous, et de lui-même et ce que vous, vous lui rendez et vous vous rendez à vous-même, à la fin. 
Tout cet échange instantané et réciproque, passant par les trois fonctions du visage, entre Soi et L'Autre, se passe dans cette intentionnalité vide où Vinculum Substantiale (23) Leibnizien, qui vous affect en vous faisant Autre que L'Autre; à savoir un Affect-Corps. Pour bien comprendre de quoi je parle, il nous faut des exemples. J'en donnerais quatre. Supposant que je tombasse nez-à-nez avec un bon gros fauve. Que je fasse la Rencontre d'un lion. Mince alors! Que faire? Après l'instantanée de la visagification/dévisagification, voilà que je réalise dans ce Vinculum Substancetiale que mon chétif corps, ne fait pas le poids devant celui du fauve, et qu'il va falloir trouver une issue à mon désemparement. Je cherche désespérément à éloigner ce pauvre corps, des griffes et des dents du lion. Rien qu'en y pensant, je panique et tressaille de peur. Mon affect est ce mélange de tristesse et de peur panique, qui l'espace d'un éclair, m'avait fait réaliser la fragilité et la présence de mon corps, à travers cette intentionnalité vide; C'est celàL'Affect-Corps. Imaginer maintenant que je me trouvasse devant une belle créature, qui danse devant moi. Voila que cette fois-ci c'est plutôt, la rencontre d' une fille sur la piste d'un dancing club, que d'un lion au fonds d'une savane. Elle me trouble avec son corps sensuel qui m'attire. Je voudrais la séduire. Il y a, là, non pas un affect de tristesse et de peur, comme le cas précédant, mais celui de séduction, de sensualité et de plaisir. Comment mettre mon corps en valeur devant cette fille, afin de l'attirer? Voilà le challenge de cette rencontre. 
Mon affect-corps, cette fois-ci, c'est la présence et la beauté de mon corps, réalisé par le Vinculum du trouble sensuel de celui de la fille. Troisième exemple, j'ouvre la porte de ma maison et je suis littéralement bousculé par un vent si violent, qu'il m'arrache mon parapluie et me pousse dans tous les sens. Je cherche désespérément à me mettre à l'abris en retournant d'où je viens, mais mon corps n'est plus si facile à orienter dans cette situation. Je réalise un autre affect-corps ce coup-ci; le Vinculum substanctiale de la désorientation, de l'agacement, et de la peur de tomber. 
Enfin, le dernier; je fais la Rencontre d'une phrase , au détour d'une lecture de Proust, par exemple, qui me trouble. J'ai les larmes aux yeux. Je la note sur mon carnet afin de la faire mienne, en la relisant à tête reposée, un peu plus tard. Mon affect, cette fois-ci c'est quoi? C'est les larmes de mon corps pardi; ce corps si fragile, si sensible que le Vinculum Substancetiale de cette rencontre réalisé dans cet Affect-Corps, et qui pleure parce qu'il est là, présent, vivant cet instant de lecture sublime et troublantec

 (19) Visagification selon Deleuze, c'est l'équivalent de visage qui fait fonction de visage. Dévisagifiction c'est la négation du visage où ce qui fait fonction.

(20) Voir cours de Gilles Deleuze sur le cinéma et « classification des signes et du temps » Séance 27.

 (21) «Le corps c'est ce qui sera réalisé par les réalisants...» Gilles Deleuze, cours sur Leibniz, les principes et la liberté, en date du 1/ mai 1987. Séance 13. Sur le site Webdeleuze.
« Et voilà que Husserl raconte une histoire, et dit : c'est curieux parce que, l'ego dans ses appartenance, c'est -à-dire la monade, saisit parmi ses appartenances une appartenance très particulière. C'est quelque chose qu'elle identifie comme l'autre. C'est-à-dire qu'elle l'identifie comme un corps vécu, le corps vécu de l'autre. ça c'est une intentionnalité très curieuse, c'est une intentionnalité spéciale, pourquoi ? Parce que c'est une intentionnalité vide. Les intentionnalités vides j'en ai beaucoup : par exemple je regarde ce truc-là, cet appareil, mais j'ai une intentionnalité vide, c'est la face que je ne vois pas. Seulement c'est une intentionnalité vide, mais il suffit que je fasse l'effort, si ça m'intéresse, elle se remplira. » Deleuze Idem.

(22) « C'est finalement les bêtes qui d'une certaine manière vont nous forcer à convenir qu'il y a des corps. Lui ( Leibniz) il ne dirait pas, comme Husserl, que c'est l'existence d'autrui. Pour une simple raison, c'est, on le verra, c'est que dans les monades fermées, il n'y a pas de rencontre avec autrui. Il faut l'expliquer la rencontre avec autrui. Déjà elle ne peut se faire, que, en dehors des monades. Il ne peut pas se le donner.» Deleuze, idem.

(23) «Le Vinculum Substancetiale» est très bien expliqué par Gilles Deleuze, dans son cours sur «Leibniz, les principes et la liberté» séance 14, du 26 mai 1987, sur le site www.Webdeleuze.com/

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